Depuis le début de cette pandémie, on s’est servi des taux d’infection et de mortalité de la COVID-19 pour illustrer les effets néfastes du virus sur la société et la pression que la maladie exerce sur nos systèmes de santé et nos économies. Toutefois, les conséquences plus larges de la pandémie, notamment sur la santé et le bien-être des personnes souffrant d’autres maladies chroniques et sur leur accès à des soins adéquats et essentiels, ont été négligées.
Le Centre de soins oculaires du Campus Riverside de l’Hôpital d’Ottawa (RECC), le plus grand établissement de soins ambulatoires de ce type au Canada, a été fermé depuis mars en raison de la pandémie. En conséquence, on estime à 5 000 le nombre de patients en attente d’une intervention chirurgicale, dont beaucoup sont sensibles au facteur temps1. Bien que certaines procédures aient repris ces derniers temps à l’hôpital du campus d’Ottawa, l’établissement fonctionne à peine à 20-30 % de sa capacité pré-COVID et, à mesure que ces retards se prolongent, la fourniture d’un traitement efficace devient plus compliquée, entraînant à terme une augmentation du nombre de pertes de vue évitables. L’incertitude quant aux prochaines mesures qui seront prises est une cause majeure d’anxiété et de frustration pour les patients et les professionnels, et selon le Dr Peter Agapitos, ophtalmologiste au RECC, « si nous ouvrons en septembre, il faudra beaucoup de temps pour traiter les 5 000 patients qui attendent. Cela prendra un certain nombre d’années, et ce n’est pas acceptable ».
L’ophtalmologie est la spécialité médicale la plus sollicitée au Royaume-Uni, gérant environ 9 millions de rendez-vous de patients externes chaque année2,3. Selon les résultats du recensement des effectifs réalisé par le Royal College of Ophthalmology en 2018, le secteur de l’ophtalmologie a dû faire face à une pénurie d’ophtalmologistes et d’espaces cliniques pour gérer la demande du secteur, faisant perdre la vue à environ 22 patients chaque mois en raison des retards du système initiés par les hôpitaux2. En outre, le recensement indique qu’une nouvelle augmentation de 30 à 40 % de la demande est prévue au cours des 20 prochaines années3.
Avec l’arrivée soudaine et rapide de la pandémie de COVID-19, ces problèmes se sont aggravés et l’on s’inquiète de plus en plus de la manière dont cette augmentation prévue de la demande sera gérée par un service déjà surchargé. C’est pourquoi il n’a jamais été aussi urgent de définir de nouvelles stratégies et des alternatives pour améliorer l’offre de soins et s’attaquer aux problèmes qui contribuent à cette augmentation, tels que le retard dans le dépistage et les soins et traitements inaccessibles ou inéquitables.
La mise en place de cliniques virtuelles au beau milieu de la pandémie de COVID-19 a permis de maintenir une ligne de communication directe entre les patients et les professionnels et de veiller à ce que les patients puissent continuer à recevoir des soins et des conseils pour leur état dans le confort de leur foyer. Cette transition vers les soins à distance a également mis en évidence les avantages plus larges de la télésanté dans le cadre de l’ophtalmologie, en particulier son potentiel à réduire notre dépendance aux rendez-vous en personne et donc à raccourcir les longues listes d’attente, ainsi qu’à alléger une partie de la charge pesant sur les professionnels de la santé. Certaines études portant sur les systèmes de classification des scanners OCT et des images du fond d’œil basés sur l’IA ont même obtenu des résultats équivalents à l’évaluation d’experts pour le dépistage de la dégénérescence maculaire liée à l’âge et de la rétinopathie liée au diabète, ce qui est très prometteur pour les futures avancées dans ce domaine, bien qu’une validation supplémentaire soit nécessaire avant de l’appliquer au contexte réel des soins4,5.
Bien que certaines fonctions de télésanté aient été mises en place de toute urgence et nécessitent donc un financement et des investissements importants pour devenir un service efficace à long terme, le professeur Andrew Lotery de l’Université de Southampton estime que « le coût de la cécité est beaucoup plus élevé »6.
Il est essentiel que nous tirions les leçons de ces expériences et que nous reconnaissions l’importance de la planification à long terme, à la fois pour nous préparer à des événements perturbateurs similaires à cette pandémie, mais aussi pour pouvoir réfléchir de manière créative à la résolution et à la prévention des problèmes urgents au sein de la communauté. « Au lieu de louer les gens pour leur ‘résilience’, changez les systèmes qui les rendent vulnérables » — Dr Muna Abdi, maître de conférences en psychologie de l’éducation à l’Université de Sheffield Hallam.
References: